L'hypercroissance dans un grand groupe: comment faire x10 en un an

Le process "m'a tuer !"

Le process, c'est lui le grand coupable. C'est lui qui t'empêche d'aller vite et qui détruit toute ta créativité. Et c'est lui qui fait capoter le deal gagnant / gagnant entre la startup et le grand groupe. 

Le process, un labyrinthe qui étouffe la créativité
Le process, un labyrinthe qui étouffe la créativité
Alors on s'invente des respirations: salle de détente, cours de yoga du rire entre midi et deux, concours de babyfoot, bref, vous voyez ce que je veux dire. 

Ou mieux, on forme à la créativité, on organise des learning expéditions pour s'inspirer de ce qui se fait de mieux, on mobilise les collaborateurs et l'écosystème dans des hackathons, des sprints, des missions, le temps de quelques jours. 

Parfois, l'entreprise met même de gros moyens et développe un esprit anti-process avec des programmes d'intrapreneuriat. Sais-tu, par exemple, que la Société Générale a investi 150 millions d'euros et qu'actuellement, ils ont 70 startups internes accélérées dans une dizaine d'incubateurs ?

Tout ça est très louable, attention, je ne critique pas ! Simplement, le process, lui, il t'attend patiemment. Et quand ça sera le moment, il te stoppera. Et là, tu seras certainement déçu. Mais j'y reviendrais dans un futur post...

Aujourd'hui, je voudrais te donner un retour d'expérience sur un programme de relation startup que j'ai créé et qui a fait x10 en un an. Oui, 900% de croissance. On est passé de 6 à 60 startups accompagnées. Ça parait dingue, mais ça s'explique.  

Spoiler: je n'ai pas respecté tous les process. Je souhaite partager mon expérience car tu peux faire pareil. Mais tu dois faire attention, car ton plus grand risque, toi qui souhaite malgré tout entreprendre dans un grand groupe, c'est d'être identifié comme un virus qui alors activera le système immunitaire. 

Avantage déloyal

Le contexte, c'est évidemment clé pour que tu saches si tu peux réutiliser ce que j'ai appris. Nous sommes donc en 2015 dans la filiale française d'un leader américain de l'informatique. 

Le différentiateur, une particularité à cultiver
Mais il faut aussi tenir compte d'éléments plus personnels. Et je dois dire que j'avais quelques acquis pour m'aider à réussir: 
  • J'avais travaillé sur la responsabilité sociale de l'entreprise durant plusieurs années. J'avais donc observé comment les collaborateurs s'engageait au-delà de leur travail habituel.
  • Je finançais du conseil pour les startups donc je connaissais bien l'écosystème.
  • J'avais mené l'étude stratégique d'évolution des emplois dans le cadre de la Gestion Prévisionnel des Emplois et des Compétences (GPEC) donc j'avais des informations privilégiées sur la stratégie de l'entreprise et ses conséquences sur l'emploi et les compétences. 

Premier conseil: crée toi des différenciateurs, ça t'aidera pour ton projet et même bien au-delà.

Il était une fois...

L'idée de départ était de proposer à des collaborateurs d'aider une startup à se développer commercialement en la mettant en lien avec nos clients. Nous avons d'emblée éliminé des promesses irréalistes pour nous: 
  • viser l'achat par le groupe de la solution de la startup (quasi impossible du fait des process, naturellement).
  • aider à lever des fonds: pas notre métier et pas de fond corporate sur lequel s'appuyer.
  • permettre l'adoption de nos technologies. Ça, ça viendra plus tard quand la direction monde s'intéressera à notre projet. Mais j'anticipe...
Se focaliser sur cette promesse simple et réaliste (et soit dit en passant hyper nécessaire pour les startups) avait un immense avantage: pas de besoin de budget additionnel, ni d'approbations complexes pour démarrer. 

Deuxième conseil: concentre toi sur tes forces et reste authentique

Développe tes points forts et reste authentique
Bon, ça y est, on a un sponsor, on connait des startups, on leur propose de nous soumettre un dossier pour en sélectionner 6. En parallèle, on doit recruter 6 volontaires pour démarrer le programme. Donc on lance une communication et là, on reçoit 40 manifestations d'intérêt. On devra donc avoir en parallèle un processus de sélection pour les volontaires. C'est une première !

Comme on n'a pas de budget, on va devoir être astucieux. Et on se met à "parasiter" les évènements marketing pour présenter les startups. 

Evidemment, la visibilité est très importante et le DG me demande alors d'accélérer le programme. Le critère de succès, c'est le nombre de startup accompagnées, "sky is the limit".

Changer (presque) tout

A ce stade, pause obligatoire pour repenser en profondeur le programme. En utilisant la méthodologie "Lean Startup", je décide: 
  • de me concentrer sur l'étape clé : la création du binôme collaborateur / startup. En s'assurant d'un départ solide, le déroulé de l'accompagnement peut être extrêmement décentralisé. Le volontaire est autonome et responsable.
  • de supprimer le principe de promotion annuelle ou semestrielle pour permettre les entrées au fil de l'eau. Quand vous pouvez conclure une vente, pourquoi attendre ? 
  • de proposer aux collaborateurs de choisir eux-mêmes leur startup. Ça s'appellera "Bring your own startup". Bon, il faut parfois gérer des possibles conflits d'intérêt, mais les salariés adorent et pour moi, c'est beaucoup plus facile de créer les conditions d'une bonne relation avec la startup. Résultat: 40% des entrées pour lesquels je n'ai quasi rien à faire.
  • d'utiliser les principes du corporate hacking pour transformer les collaborateurs en acteurs du changement tout en faisant la promotion de leur startup. Concrètement, je dis aux collaborateurs que je mets toutes les ressources de l'entreprise à leur disposition à une condition: qu'ils obtiennent du collègue ciblé son accord pour passer un peu de temps à aider leur startup en plus de son travail habituel. La puissance de cette permission donnée est tout simplement incroyable et même le département juridique a joué le jeu, c'est dire !

Troisième conseil: re-questionne les choix pour pouvoir accélérer ton projet

L'alignement

Tous les intrapreneurs qui travaillent en excubation dans les incubateurs de la place vivent très probablement une expérience inoubliable. Mais là, c'est bien d'un programme parasite dont il s'agit. Ce qui veut dire qu'il doit apporter des bénéfices importants à l'organisation pour ne pas être considéré comme nuisible. Par exemple, comment le CHSCT (pardon, la commission santé, sécurité et conditions de travail) va réagir au fait qu'on demande encore aux salariés d'en faire plus sans contrepartie ? 

C'est toute l'importance de l'alignement de pouvoir démontrer sans cesse la valeur. 
Dans mon cas, j'ai proposé un modèle à 4 niveaux: 
L'alignement, au plus prêt de l'organisation qui te nourrit
  • Niveau 1: on aide la startup à créer de l'emploi, c'est une belle action pour une entreprise citoyenne.
  • Niveau 2: on aide les salariés à découvrir les nouveaux business model et en particulier l'importance du cloud. Et avec les techniques de corporate hacking, ça diffuse bien au-delà des 60 collaborateurs activement impliqués.
  • Niveau 3: on aide nos clients à innover. Les startups apportent des cas d'usages spécifiques qui rendent plus concret le pitch techno officiel. 2/3 des startups ont ainsi été présentées à des clients. 
  • Niveau 4: on aide l'entreprise à s'ouvrir aux startups qui peuvent à terme devenir des partenaires intéressants. Ce qui est allé au-delà de mes espérances quand j'ai présenté des startups françaises à la CEO monde: elle a décidé de lancer un programme mondial sur la base de l'expérience menée à l'époque à Bangalore en Inde.

Quatrième conseil: maintiens un alignement étroit avec l'organisation qui te nourrit

Maintenant, à toi de jouer !

Au choix (sans obligation): 
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