Selon Challenges, les jobs à la con auraient épargné la France. Pas si sûr !

10% de job à la con en France contre 35% dans le reste du monde. Bonne nouvelle, l'inflation des jobs à la con aurait épargné la France. Vraiment ? 

10% de job à la con en France contre 35% dans le reste du monde ? Bullshit !
Est-ce qu'on aurait pas plutôt cherché la clé sous le lampadaire ? L'article de Challenges est un interview de Julien Goarant, directeur d'études de département Opinion de BVA, qui commente son propre sondage. Et les résultats sont très surprenants ! Alors que David Graeber considère qu'il y a 50% de jobs inutiles dont 35% de jobs à la con, l'étude établit que seuls 10% des Français considèrent qu'ils ont un job à la con (bullshit job) après avoir été confronté à la définition de David Graeber. 

La France serait donc un pays particulièrement progressiste où le travail a naturellement du sens pour les collaborateurs grâce aux efforts des entreprises sur les sujets de l'empowerment et de la responsabilité sociale ? 

Avec 6%, la France est un des pays d'Europe où les collaborateurs sont le plus désengagés.
C'est bizarre, car le sondage Gallup sur l'engagement dit justement le contraire. La France est, parmi les pays d'Europe, un de ceux où les collaborateurs sont le plus désengagés. Avec 6% de salariés engagés, la France est à égalité avec l'Espagne et seule l'Italie fait pire.

Ca m'a paru bizarre. Je suis en général critique sur les sondages car ils sont souvent truffés de biais, alors j'ai décidé de creuser un peu. 

Le détail de l'étude est disponible ici et c'est un véritable festival: 

Cela commence la question "Comment jugez-vous la contribution de votre travail à la société ?". Les sondés répondent en masse "plutôt bénéfique". Problème, on ne propose pas le choix "sans impact", alors que justement les jobs à la con se reconnaissent parce qu'ils n'ont aucune contribution notable (et plus rarement qu'ils sont nuisibles). 

Ensuite, on a un ensemble de questions d'où on tire que 78% des salariés pensent (souvent ou de temps en temps) que leurs tâches sont inutiles. Les autres questions semblent reprendre les catégories de Graeber, mais bizarrement, on ne retrouve pas les "cocheurs de case", c'est à dire ceux qui vérifient qu'on respecte des normes sans qu'on sache trop pourquoi elles sont utiles.

C'est pas fini ! On découvre ensuite le texte qui a été présenté aux répondants, et là, coup de théâtre, les catégories ont été modifiées, à tel point qu'elles en deviennent incompréhensibles ! Le "rafistoleur" dont le job est de réparer les dégâts évitables et directement liés à la mauvaise organisation du travail devient le "sparadrap", employé pour résoudre des problèmes inexistants ! Cela n'est vraiment pas pareil !

60% connaissent des bullshit jobs. Sauf que ça n'est pas la bonne question...
Je ne vais pas tout te décortiquer, ça serait trop long, mais pour finir, la question qui tue: "Diriez-vous que vous connaissez des métiers qui vous semblent des « Bullshit Job » ?" qui donne une réponse (Oui: 61%) dont on ne peut rien tirer alors que la question "Quel est le pourcentage selon vous de bullshit job en France ?" aurait été très intéressante à comparer à "Et diriez-vous que votre métier est un bullshit job ?" (Oui: 12%). Car on n'est pas forcément fier d'en avoir un. 

Bref, une occasion manquée d'en savoir un peu plus sur le phénomène que j'ai présenté dans Faut-il se résigner aux jobs à la con ? Dans cet article que je t'invite à (re)lire, j'esquisse aussi quelques pistes de solutions. 

Agissons face à l'inflation des jobs à la con ! Je suis preneur de tes commentaires pour continuer la réflexion. Tu peux aussi me contacter pour en discuter : 

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