« Les entreprises sont bloquées et n’arrivent pas à innover. » Même si le constat est largement caricatural et ne tient pas compte des (nombreux) efforts que font les entreprises pour aller vers plus d’agilité, force est de constater que l’environnement concurrentiel et les évolutions sociétales mettent le management à rude épreuve.
En analysant l’histoire de l’innovation au sein du Centre de Gestion Scientifique, Armand Hatchuel, professeur à Mines ParisTech, a constaté que la période actuelle bouscule les catégories bien établies et remettent en cause l’identité même des objets. Ainsi, le développement du smartphone a totalement bousculé le marché de la photo. Hatchuel appelle donc les entreprises à développer la fonction innovation pour entrer dans l’innovation intensive.
Bien sûr, les entreprises peuvent améliorer la performance de leur innovation produit, mais il semble que le problème soit bien plus vaste et concerne tous les départements de l’entreprise. Car, si nous avons beaucoup développé des solutions pour gérer un monde incertain, nous sommes très démunis face à un monde largement inconnu.
A quoi ça sert de faire des plans sur la comète ?
En effet, ce qu’on a appris à maîtriser tout au long de notre scolarité et encore plus lors des études supérieures, c’est la démarche scientifique qui visent à analyser les phénomènes pour en dégager les causes. Le principe de base, c’est « les mêmes causes entraînent les mêmes effets ». Et la démarche classique va plus loin, en séparant l’analyse de la mise en œuvre ou encore le plan de son « exécution ». C’est cet apprentissage qui nous met en difficulté dans un monde inconnu, car on bâtit des plans sur des hypothèses qui ne sont malheureusement quasiment jamais valables.Pourtant, si on se souvient de la maternelle (sinon, vous pouvez observer vos enfants ou neveux et nièces), on s’aperçoit que l’on avait alors aucune difficulté à s’adapter :
on ramasse un bout de bois et c’est un fusil. On a 10 minutes, on invente un jeu, un copain apporte un ballon et on démarre une partie. Surprise ! Il pleut, on va jouer à l’intérieur.
Ce que je viens d’illustrer en quelques phrases, ce sont les principes de l’approche effectuale.
Une manière de comprendre la différence entre les deux approches, c’est de penser à la l’organisation d’un dîner : prévu trois semaines à l’avance, j’établis un menu, j’achète les ingrédients et je prépare la recette. C’est l’approche causale. Mais que se passe-t-il si je ne connais pas le nombre de convives, ni ce qu’ils vont apporter (car ils ne viendront pas les mains vides) et pire, si je ne connais même pas le jour du repas ? Eh bien, c’est simple, j’ouvre mon frigo et je fais avec ce que j’y trouve. C’est l’approche effectuale.
L’effectuation, une approche efficace pour affronter un monde inconnu
Cette approche reste encore trop peu connue, même si les premiers travaux académiques sur le sujet datent de plus de 20 ans. En effet, c’est en observant la manière dont des entrepreneurs experts résolvaient les problèmes courants que Saras Sarasvathy a tiré les cinq principes de l’effectuation. En France, Philippe Silberzahn, professeur à l’EM Lyon, a beaucoup œuvré pour faire connaitre l’effectuation, grâce à son blog, son livre mais aussi son Mooc.Rappelons les 5 principes : (1) faire avec ce qu'on a, (2) raisonner en perte acceptable, c'est à dire en cherchant à fixer des coûts prévisibles plutôt d’imaginer des gains aléatoires, (3) le patchwork fou, qui engage des parties prenantes pour partager les risques, chacun (client, fournisseur, investisseur, …) apportant de nouveaux moyens, (4) tirer parti des surprises (bonnes ou mauvaises), (5) créer le contexte plutôt que de le prévoir.
Cette approche n’est pas du tout théorique, mais bien au contraire tirée de l’observation de la pratique. Et si, lors de l’étude initiale, les experts étaient tous des entrepreneurs avec plus de 15 ans d’expérience dans la création d’entreprise, en réalité, les principes s’appliquent tout aussi bien dans la grande entreprise. D’ailleurs, tel Monsieur Jourdain, certains collaborateurs les pratiquent sans même le savoir et c’est une réelle découverte pour eux quand ils comprennent pourquoi ils ont tant de mal à convaincre une hiérarchie ancrée dans une démarche causale.
Alors, chiche de tenter une approche effectuale dans l’un ou l’autre de vos projets pour la rentrée ?
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