24 heures chrono : quand la déviance positive s'invite dans une série

Depuis début Janvier, la série 24 heures chrono est disponible sur Netflix. Sortie peu après le 11 septembre 2001, la série a fait date en mettant en scène sur 204 épisodes un anti-héros, Jack Bauer, qui doit déjouer dans un suspense haletant tout l'éventail des attaques terroristes possibles. 

Pour Jack, les choses sont simples, il faut à tout prix sauver un maximum d'Américains. L'objectif est clair et il prime sur quasiment tout. L'utilisation très fréquente de la torture a d'ailleurs fait l'objet de nombreuses critiques. S'il met une énorme pression sur ses ennemis, il est également prêt à de nombreux sacrifices personnels. Il n'hésite pas naturellement à mettre sa vie en danger, à enfreindre la loi ou à se sacrifier pour son pays. Mais il va beaucoup plus loin, il peut par exemple trahir ses amis ou même blesser ou tuer ses collègues. 

Ok, STOP ! Peut-être que cet article va te donner envie de voir ou de revoir la série et je ne vais pas te spoiler. Donc, dans le reste de cet article, je vais m'intéresser au rapport à la hiérarchie mais en évitant de donner des éléments trop précis. Comme Jack choisit de privilégier la mission, il est amené à désobéir à ses chefs. Il considère nécessaire de ne pas respecter les ordres pour bien faire son travail. C'est exactement la définition de la déviance positive. 

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Jack est finalement dans un monde assez simple, la mission passe avant tout (ou presque). En revanche, c'est beaucoup plus compliqué (et donc intéressant) pour ses collègues qui ont, eux, de nombreux états d'âmes. 

L'organisation de la Counter Terroriste Unit (CTU) de Los Angeles

Pour comprendre les différents liens hiérarchiques, il faut planter le décor. Chaque saison se déroule dans le cadre de la Counter Terrorist Unit (CTU) de Los Angeles. Ce département est en charge de déjouer l'ensemble des attaques terroristes sur sa zone géographique. Dans cette équipe, on a en général : 

  • Un directeur
  • Une équipe d'intervention (et son chef)
  • Une équipe d'analystes
  • Une équipe de spécialistes techniques (communications, ...)
Mais le directeur n'est pas seul maitre à bord. Il rend des comptes à la "division" qui peut parfois dépêcher ses responsables directement à la CTU pour reprendre les choses en main. 

Bien sûr, la situation est plus compliquée car la CTU est régulièrement en contact avec le président des Etats-Unis, ses conseillers, sans compter d'autres agences comme la NSA, la CIA, ...

En plus, dans chacune de ces structures (y compris la CTU), il peut y avoir des agents doubles, des conspirateurs ou des personnes forcées de coopérer avec l'ennemi. 

La déviance positive appelle un jugement managérial 

Malgré ces liens de pouvoir parfois complexes, le schéma est souvent le même : Jack a une intuition mais il manque de temps ou d'éléments pour convaincre sa hiérarchie. On lui demande ou plutôt on lui ordonne de respecter les ordres, mais il refuse car il est convaincu d'avoir raison. Si, in fine, c'était effectivement le cas, on peut éventuellement lui pardonner, mais évidemment, il prend un grand risque. 

Dans le processus, Jack a besoin d'aide et il entraine dans ses enquêtes de nombreux collègues, en particulier les spécialistes techniques comme Chloé ou Edgar. Pour eux, la priorité est d'agir dans la clandestinité et de ne surtout pas se faire repérer.

Mais la situation peut être beaucoup plus complexe. Dans la saison 2, par exemple, Michelle, après avoir interrogé un suspect, doute qu'un enregistrement soit réellement authentique malgré les assurances des experts. Elle arrive à convaincre Jack de suivre cette piste, puis elle l'aide activement tout en dissimulant ses actions auprès de son chef Tony. 

Devant cette insubordination, Tony est évidemment furieux, mais plus tard, il accepte les excuses de Michelle car il constate que la démarche, même non aboutie, était légitime. Et l'ironie de la situation, c'est qu'il devient rapidement lui-même déviant lorsqu'il cherche à convaincre Ryan Chopell son supérieur à la division. 

De même dans la saison 5, Bill Buchanan dirige la CTU mais est chaperonné par Lynn McGill envoyé par la "division" qui est donc officiellement son supérieur hiérarchique. Si les deux personnages sont souvent en désaccord, Bill préfère négocier ou biaiser que réellement aller contre son supérieur. Mais il est très agacé de ce qu'il interprète comme une difficulté à décider. Pourtant, à force de vérifier les données, Lynn trouvera un indice capital qui évitera une catastrophe. 

La morale, c'est évidemment que les apparences peuvent être trompeuses et que le déviant positif peut se trouver dans l'erreur. Autre point capital : c'est face au jugement d'un manager que la déviance positive prend véritablement son sens. 

Les réactions du manager face à la déviance positive 

Lorsqu'il est confronté à des actes qui relève de la déviance positive, le manager peut ainsi réagir de différentes façons :  

  • Il interdit la déviance. Notamment parce qu'il considère plus important de respecter les procédures ou parce qu'il a une autre vision du "travail bien fait". C'est le cas typique auquel est confronté Jack Bauer. 
  • Il autorise la déviance. C'est ce que fait Tony après avoir initialement interdit la déviance. Il a changé d'avis au vu des nouveaux indices qui lui ont été présenté. 
  • Il ignore ou tolère la déviance. Ce type de réaction est adoptée fréquemment par les présidents successifs avec l'aide de leurs conseillers bien intentionnés. L'idée est alors de laisser faire en choisissant sa position au vu des résultats.
Lorsqu'un manager autorise la déviance, il peut également en faire une nouvelle norme, ce qui s'appelle alors "institutionnaliser" la déviance. Dans l'univers temps réel de la série, l'obligation de respecter les normes existantes ("les protocoles") est omniprésente mais l'accumulation des urgences ne laisse pas le temps de faire appel à des "planneurs" (c'est le nom donné par Marie-Anne Dujarier aux personnes en charge de créer des normes, à lire dans Les véritables enjeux du télétravail). Néanmoins, les différents managers créent sans arrêt de nouvelles obligations au travers de l'expression "ceci est un ordre". 

Dans la série, Jack Bauer est souvent considéré comme un fauteur de trouble, quelqu'un d'indiscipliné largement ingérable. Et pourtant, il est essentiellement animé la volonté de remplir sa mission, c'est-à-dire le souhait de bien faire son travail. Et ce faisant, il trouve des solutions innovantes à des problèmes qui semblaient insolubles. Ici, je ne vais pas détailler car, sinon, je vais être obligé de te spoiler. 

Au travers de ces quelques exemples, j'espère t'avoir donner envie de consulter mon livre blanc sur la déviance positive. J'attends tes commentaires : 

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