Rebond entrepreneurial : qui a dit qu'il était facile d'échouer ?

Un grand magazine féminin titre ce mois-ci qu'il est temps de "valoriser l'échec". Et bien même s'il cite Charles Pépin dont j'ai parlé dans Je suis super content, j'ai échoué !, désolé, mais ça m'agace.
L'échec peut ébranler l'identité. Il faut se réapproprier son histoire pour repartir de l'avant

C'est toujours la même caricature mise en avant sur la spécificité de la culture française (face aux USA) et sur notre incapacité à adopter les codes de la Startup Nation : "Fail fast, fail often", ou encore le relatif échec des Fail Conférences en France (sic).

Comme j'ai pu en discuter récemment avec des spécialistes du rebond entrepreneurial (les acteurs du rebond), tout ce discours est en décalage complet avec les réalités vécues et le tragique de certaines situations.

Dans Culture de l'échec : peut-on apprendre de ses erreurs ?, nous avons découvert les conditions pour un apprentissage en profondeur : il est nécessaire de réinterroger les valeurs et cadres d'action dans lesquels tu opères habituellement.

L'échec, une atteinte à l'identité

Ce qui caractérise la majorité des entrepreneurs, c'est une identification très forte à leur projet. C'est en général, un projet de vie, qui engage des moyens financiers tout autant que des liens affectifs. La famille qui soutient le projet peut être également associée dans la gestion, en particulier dans les TPE/PME. Dans certains cas, le dirigeant est aussi dépositaire de l'héritage familial qu'il a intérêt à préserver.

Cet investissement dans le projet devient alors une charge terrible dans la perspective d'un échec. Ce sens des responsabilités pousse malheureusement les dirigeants à cacher leurs difficultés et donc à retarder la mise en place de mesures pour redresser l'activité.

Alors qu'il semble évident qu'un dirigeant en difficulté devrait se faire aider, une mécanique inverse se met en place. Ceux qui entourent le chef d'entreprise et qui cherchent à l'alerter deviennent alors eux-mêmes des problèmes et dans la tourmente, le dirigeant préfère s'en séparer que d'admettre la gravité de la situation. Malheureusement, cela concerne aussi bien les spécialistes comme le banquier, le comptable ou l'avocat que l'environnement proche et en particulier la famille.

Il existe une technique intéressante qui consiste à écrire à l'avance la fin de l'histoire. Cet exercice, qui peut être fait très en amont, permet de se représenter une partie des conséquences afin de reprendre un peu de contrôle sur l'enchainement des évènements.

Quand tu es acculé, la matérialisation des procédures, même amiables et confidentielles et a fortiori collectives est un véritable coup de tonnerre qui peut entamer l'estime de soi, et même, dans les cas les plus graves fragiliser ton identité de dirigeant. Toute proportion gardée, ces difficultés peuvent aussi concerner les intrapreneurs (Qui sont (vraiment) les intrapreneurs ?) et les salariés très (trop) investis (3 conseils pour échapper au burn-out).

Un temps pour se réapproprier son histoire 

Le parallèle entre l'échec entrepreneurial (ou intrapreneurial) et le burn-out me semble très intéressant. En effet, au-delà des discours plus ou moins convenus sur la résilience, il s'agit finalement de donner un sens à ce qui s'est passé avant de trouver une nouvelle énergie pour rebondir, sachant que rien ne sera plus jamais comme avant.

La première étape indispensable, c'est bien sûr de faire le deuil de ce que tu as perdu. Cette acceptation de la perte doit s'accompagner d'un retour à soi. La chute du projet dans lequel tu étais autant investi entraine une forme de déchirement. Il faut apprendre à vivre sans.

La deuxième étape, c'est de faire évoluer ton propre regard sur le monde. Pour se libérer d'un vécu parfois un peu envahissant, il faut trouver des manières de décaler ton point de vue par l'humour, l'écriture ou encore la photographie. Je t'invite par exemple à découvrir l'exposition Petit Patron qui raconte l'histoire de Jean Lecourieux-Bory. La relecture de son histoire à travers la photographie est tout à fait exemplaire.

Evidemment, il est recommandé d'aller chercher de l'aide extérieure aussi tôt que possible, afin de faciliter cet exercice de décentrage, même si ça demande beaucoup de courage d'accepter nos limites.

Le rebond, le retour de l'énergie 

Le rebond peut être de toute nature. Aujourd'hui, tu ressens comme tout le monde l'omniprésence de l'économique et le poids extrême donné au travail, mais la clé du rebond, c'est de retrouver l'énergie d'entreprendre quel que soit le domaine : sport, art, voyage mais engagement associatif, ...

C'est en t'engageant dans de nouveaux projets, mêmes modestes, que tu pourras peu à peu retrouver confiance dans tes compétences.

Et les réussites successives, mêmes entrecoupées de difficultés passagères, relanceront alors la machine. Bien sûr, tu devras rester attentif aux possibles emballements et, je te le souhaite, tu continueras de considérer ce qui t'arrive avec un regard distancié. Plutôt que de "valoriser l'échec", tu pourras alors mieux connaître ta propre valeur.

En conclusion de cet article qui dévoile toujours un peu plus le mythe de l'entrepreneur, il me faut te rappeler qu'entreprendre dans un grand groupe, c'est également risqué.

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