L'intrapreneuriat survivra-t-il à l'effet de mode ?

L'intrapreneuriat est à l'honneur dans Marie-Claire, est-ce une bonne ou une mauvaise nouvelle ?

L'intrapreneuriat est à l'honneur dans Marie-Claire, est-ce une bonne ou une mauvaise nouvelle ?
Les modes managériales se succèdent à un rythme de plus en plus élevé. Lorsqu'une pratique managériale est largement discutée dans la presse spécialisée et se diffuse même dans la presse généraliste, on peut légitimement s'interroger si on n'est pas en présence d'une mode managériale nécessairement passagère (Qu’est-ce qu’une mode managériale ?).

Et justement, Marie-Claire a publié ce mois-ci un article (plutôt bien tourné) sur l'intrapreneuriat : L’intraprenariat : donner des ailes aux talents cachés des entreprises.

Alors se pose la question de savoir si l'intrapreneuriat rejoindra les initiatives qui ont fait long feu comme cela commence à être le cas des accélérateurs de startups (Faut-il fermer son accélérateur de startup ?).

Les modes managériales sont en général parées de toutes les vertus au mépris de la réalité concrète car elles fonctionnent comme des croyances. Et il faut bien admettre que l'intrapreneuriat est largement présenté de manière biaisée dans les multiples communications qui laissent dans l'ombre les difficultés réelles. J'avais déjà relevé cette logique simplificatrice il y a plusieurs mois dans "Entreprendre dans un grand groupe ? C'est risqué !".

Alors pour tenter de répondre à cette question, je te propose de balayer quelques affirmations au regard du rapport de recherche collaborative sur l'intrapreneuriat de Conseil et Recherche et également de ma propre pratique. Car c'est en affrontant les réalités opérationnelles qu'on pourra pérenniser l'intrapreneuriat.

On est tous potentiellement des intrapreneurs: oui et non

Si de nombreux programmes sont largement ouverts aux salariés, dans la pratique, seul un petit pourcentage des salariés postulent pour participer aux programmes d'intrapreneuriat qui sont par ailleurs en général très sélectifs. Au final, on a un très faible ratio de salariés véritablement accompagnés. L'intrapreneuriat dans le cadre d'un programme structuré est donc très loin d'avoir un impact significatif sur la culture entrepreneuriale, objectif qui est, malgré tout, souvent présent.

Au-delà d'un programme premium qui concentre les investissements, l'enjeu sera alors d'engager largement les collaborateurs au travers du réseau personnel des intrapreneurs et de proposer des formats plus light et plus accessible.

Il faut aussi savoir respecter des niveaux d'engagement différents, sachant qu'on peut tous être des corporate hackers (Corporate hacking: quelques clés pour changer une entreprise de l'intérieur). D'ailleurs, c'est la condition pour innover comme je l'ai expliqué dans "Accueillir la déviance positive en entreprise".

L'intrapreneuriat permet d'attirer et de retenir les talents: non

L'intrapreneuriat n'est pas une solution pour attirer et retenir les talents
Le rapport de Conseil & Recherche est explicite sur ce point: c'est très facile d'attirer des collaborateurs avec des promesses que les entreprises auront les plus grandes peines à tenir. En effet, en sur-valorisant le programme d'intrapreneuriat, les nouveaux embauchés seront rapidement déçus par la sélectivité du programme et leur passage aura été finalement bien éphémère.

Par ailleurs, on constate qu'il est difficile de retenir les intrapreneurs. Pour certains, l'expérience est tellement transformante qu'il est illusoire d'envisager qu'ils reprennent leur poste précédent. Et si l'entreprise n'est bien organisée pour accompagner les parcours, elle court un risque important de voir les intrapreneurs quitter plus ou moins rapidement l'entreprise.

L'intrapreneuriat favorise l'engagement des collaborateurs: oui, mais...

Travailler sur un projet que l'on a choisi et dont on maîtrise une bonne partie des contours favorise naturellement l'engagement. Mais, on l'a vu, le nombre d'intrapreneurs activement accompagnés est très faible au regard de la masse des salariés. L'enjeu est alors de favoriser l'engagement de tous les collaborateurs en lien avec le programme et notamment dès les phases amont d'idéation et d'identification des projets. 

A l'inverse, les intrapreneurs ont plutôt tendance à être surinvestis, ce qui peut poser des problèmes notamment lorsqu'il est nécessaire d'arrêter le projet. Et tout au long de la démarche, il faudra être vigilant au risque de burn-out (3 conseils pour échapper au burn-out).

Créer des business significatifs pour l'entreprise: oui, même si ça reste assez rare

Créer des business significatifs grâce à l'intrapreneuriat reste assez rare
Même si c'est souvent une motivation importante pour créer un programme d'intrapreneuriat, la création de business significatif pour l'entreprise reste une issue relativement rare. Sans doute est-ce dû à la relative jeunesse du dispositif dans les entreprises analysées par Conseil & Recherche.

Mais il y a aussi probablement des causes plus structurelles. Comme je l'ai expliqué dans "Comment apporter de l’innovation de rupture dans les entreprises ?", les entreprises ont de bonnes raisons de ne pas s'intéresser aux solutions moins rentables et moins performantes que leurs produits actuels. Et quand le comité de sélection des projets est constitué de dirigeants insuffisamment sensibilisés à ces problématiques, l'intrapreneur peut facilement se heurter à un mur.

L'intrapreneuriat est donc un dispositif exigeant, qui doit être adapté à chaque entreprise et surtout qui interagit fortement avec le reste de l'entreprise. Pour le pérenniser, tu devras pouvoir expliciter sa contribution aux diverses dimensions de l'entreprise idéalement dans une logique antifragile (Antifragile: 3 conseils pour résister à l'adversité).

Si tu veux tester ton programme d'intrapreneuriat, tu peux répondre à mon questionnaire et je t'enverrais une réponse personnalisée. Tu peux aussi me contacter : 

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