Les salariés sont désengagés et la technologie empire la situation
Partout, c'est la course à l'innovation. Comment accélérer ? Quel dispositif favoriser ? Intrapreneuriat, relation startup, startup studio, fonds corporate, M&A ? Pas facile de suivre le rythme. La faute à la concurrence, quand ce n'est pas la disruption. Et c'est vrai que notre situation est pire que celle du requin qui doit continuer à nager pour respirer. Nous, c'est l'accélération qui doit être constante pour que le système perdure comme je l'ai expliqué dans Innovation : les salariés ont la solution !Tout le monde devrait se mobiliser ! Pourtant, les salariés s'interrogent de plus en plus. Dans son livre La révolte des premiers de la classe, Jean-Laurent Cassely décrit très intelligemment ces professionnels qui abandonnent des jobs extrêmement bien payés pour devenir commerçants, artisans ou encore restaurateurs. Son analyse ? L'évolution irréversible des emplois vers la manipulation de symboles qui coupent les salariés du réel. L'exemple typique, c'est quand pour décrire ton job, tu dois expliquer que tu remplis à longueur de journée des templates sous Excel parce que c'est le process.
Malheureusement, les technologies aggravent la situation. D'une part, elles s'intercalent entre le travailleur et le réel jusqu'à produire des situations kafkaïennes. Comme quand on t'explique que ton colis urgent n'est pas arrivé alors que tu le vois sur le quai de déchargement, juste parce que le manutentionnaire ne l'a pas encore scanné. D'autre part, alors que les spécialistes nous promettaient de mieux maitriser notre temps grâce aux nouveaux moyens de communication, c'est l'inverse qui se produit. Ainsi, nous consultons notre portable plus de 200 fois par jour et les échanges professionnels ont largement envahis les temps privés (soir, week-end, vacances).
Le sens du travail disparait, enseveli sous les process
Le rêve prométhéen de maîtrise se retourne contre nous. Les planificateurs de la Direction pensent pouvoir tout maîtriser alors que justement le travail effectif échappe aux prescriptions. Le test ultime, c'est la grève du zèle. C'est à dire quand les salariés décident d’appliquer tous les règlements imposés par le management. Et du coup, tout s’arrête. Garanti ! Vous pouvez faire le test (lire aussi Accueillir la déviance positive en entreprise). C’est parce que la réalité échappe à la volonté de tout prévoir et de tout planifier qu’il faut des employés qui, par leur travail, fassent des choix entre toutes les obligations.Face à la complexité croissante, les experts des process réagissent avec toujours plus de contrôle. KPI, suivi, contrôle, process, la machine s'emballe. Rapidement, on externalise le problème en nommant un "responsable" sans réel pouvoir qui se venge en édictant une avalanche de normes et de reporting. Le résultat ? Désengagement et bullshit jobs (Faut-il se résigner aux jobs à la con ?).
Pas étonnant que les gourous du management parlent de plus en plus de quête de sens. A ce stade, on invoque généralement la culture (Peut-on utiliser l'intrapreneuriat pour changer la culture d'entreprise ?) avec l'idée que la Direction peut la manipuler (la "créer" ou encore la "gérer") pour remobiliser les salariés et les faire "adhérer" au projet de l'entreprise. Quelle est la recette miracle ? Loi PACTE ? Entreprise à mission ? Raison d'être ? Evidemment, manipuler la culture d'entreprise est largement inefficace car c'est juste faire plus de la même chose. Le désordre continue d'échapper largement aux efforts de la direction, comme l'avait analysé Norbert Alter (La gestion du désordre en entreprise) dès 1990.
La nouvelle culture, c'est l'entrepreneuriat !
Ce que Norbert Alter met en avant, c'est finalement une opposition grandissante entre les "professionnels" qui agissent dans une logique d'entrepreneuriat et les "légalistes" qui font la promotion de la règle si attirante pour les dirigeants. Ces professionnels qu'on retrouve particulièrement chez les corporate hackers (voir Tous corporate hackers, ou presque) développent un esprit d'entreprise qui s'oppose souvent à l'esprit maison. Leur slogan ? Briser les silos !La Direction et par extension la hiérarchie doit en permanence arbitrer entre ces deux groupes : elle alterne les phases d'incitation, de laissez-faire, d'institutionnalisation régressive et de désordre. L'intrapreneur sera bien inspiré de décoder la phase en vigueur qui correspondra selon le cas à un appel élargi à participer au programme d'intrapreneuriat, à tolérer les écarts des projets qui touchent aux règles établies de l'entreprise, à refuser les projets trop disruptifs ou encore à ne pas décider du tout (lire aussi Intrapreneuriat: 3 clés pour trouver un sponsor et réussir ton projet).
Si le courant entrepreneurial est si puissant, c'est qu'il répond largement à une nouvelle forme de maîtrise du travail qui justement produit du sens. Grâce à l'accompagnement des spécialistes, l'intrapreneur va s'intéresser au problème à résoudre et au client avant de développer la solution (Réussir le lancement de sa startup avec la méthode de Steve Blank). Il ou elle va toucher à tous les aspects de la création d'activité, sans hésiter à "mettre les mains dans le cambouis".
Si on le laisse se développer, l'intrapreneuriat peut alors être une réponse à la recherche de sens dans le travail.
Intrapreneur, corporate hacker, responsable de programme intrapreneuriat ou simplement à la recherche de sens dans ton travail et ceux des autres, tu peux me contacter:
EDIT 8/7/2020 : voici un lien pour consulter mon livre blanc sur la déviance positive.
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