Chroniques du confinement - 6 étapes pour retracer une période extra-ordinaire

Chroniques du confinement - 6 étapes pour retracer une période extra-ordinaire
Le confinement a été une période extra-ordinaire. Chacun l'a vécu à sa façon, ce qui veut aussi dire que les différences se sont creusées, entre ceux qui étaient au chômage partiel, ceux qui faisait du télétravail forcé et ceux qui devaient continuer leur travail en étant potentiellement exposés au virus. Les écarts de situation allaient naturellement bien au-delà du seul travail : conditions de logement, école à la maison, enfants à gérer, ... Idem sur notre expérience du virus, plus ou moins directe en fonction de qui a été infecté (soi-même, entourage proche ou plus lointain) et avec quelle intensité. 

Pour ce qui me concerne, cette expérience peu commune a démarré de manière brutale car j'étais engagé dans la campagne des municipales. Le 15 mars au soir, je découvre à ma grande surprise que le maire sortant est réélu dès le premier tour, ça sera la fin de mon engagement dans la politique locale. 

Cette période a donc été pour moi l'occasion d'un vagabondage mental (je reprends le terme qu'Emmanuelle Joseph Dailly a utilisé lors de la conférence organisée par le cabinet Juhliet Sterwen "Retour à l'anormal") et de nombreuses réflexions que j'ai consignées en partie dans 6 articles. 

Voici donc en 6 épisodes un retour sur cette séquence: 

1) Un burn out collectif

Le résultat de l'élection du 15 mars a été pour moi une véritable douche froide. Un mois avant et dans un tout autre contexte, je m'étais interrogé sur l'échec et le rebond entrepreneurial (Rebond entrepreneurial : qui a dit qu'il était facile d'échouer ?) mais j'ignorais que je pourrais l'appliquer si vite à mon propre cas !

Ce qui frappe dans les diverses réactions face à confinement, c'est avant tout la capacité à faire une analyse retrospective en expliquant qu'on aurait dû savoir, que les dirigeants ne font pas leur travail, ... En fait, on est en présence d'un cygne noir, un évènement imprévu mais dont l'impact est immense. Ironiquement, Nassim Taleb lui-même conteste que le covid19 soit un cygne noir car il l'avait prévu. A mon sens, son engagement politique perturbe quelque peu sa rigueur scientifique (The Pandemic Isn’t a Black Swan but a Portent of a More Fragile Global System). 

Dans la société, tout se fige : politique, travail, école... Même acheter de la nourriture devient un problème. Cette action empêchée me fait penser à la situation que l'on vit en burn out lorsque le corps se bloque. Ce défaut de fonctionnement majeur oblige l’esprit à prendre conscience d’une situation qu’il refoulait jusqu'à présent.

Article du 22 mars : Une semaine de confinement : quelles leçons en tirer ?

2) "Nous sommes en guerre !"

Le 16 mars, le président Macron nous martèle : "nous sommes en guerre". Le 18 mars, Emmanuel Macron prend à nouveau la parole à Mulhouse devant l'hôpital de campagne monté en 48h. 

Bien sûr, de nombreux commentateurs critiqueront ces prises de parole, expliquant que le coronavirus est naturel (!), qu'il est invisible (et alors ?) ou encore qu'un tel discours est une menace pour la démocratie (quand je relis l'article de Michel Wieviorka, j'ai l'impression qu'il est complètement à côté de la plaque). Plus concrètement, on peut pointer les (nombreux) dysfonctionnements lors de la gestion de la crise. 

Pour moi et à chaud, c'est un discours très efficace car il frappe l'imaginaire et aide à amorcer un changement d'attitude radical de la population vis à vis des gestes barrières notamment. 

Métaphore et symboles au service de la transformation : un exemple que certains dirigeants devraient mieux analyser pour comprendre comment engager le changement dans leur entreprise. 

Article du 28 mars : Du confinement à l'économie de guerre: penser le changement

3) Innover dans l'incertitude 

Début Avril : je suis particulièrement impressionné par la capacité de nombreuses entreprises, grandes et petites à totalement bouleverser leur activité pour contribuer à l "effort de guerre". 

Est-ce que c'est fait dans un pur esprit de responsabilité ou également pour faire de la communication ? En lisant un article d'Usbek & Rica, je me dis qu'on s'en fiche après tout car ce qui compte, c'est la "morale de l'action". 

Tout le monde cherche à trouver du sens dans ce qui nous arrive, c'est donc l'occasion de décrypter les biais cognitifs en s'appuyant sur l'excellente vidéo de Stan Leloup. 

Et puis surtout, il s'agit de regarder dans sa trousse quels sont les outils particulièrement adaptés pour continuer à innover dans cette période de grande incertitude. J'en identifie trois : l'effectuation (Et si vous profitiez de la rentrée pour innover grâce à l’effectuation ?), la déviance positive (Accueillir la déviance positive en entreprise) et la logique antifragile (Antifragile: 3 conseils pour résister à l'adversité). 

Article du 5 avril : Innovation : trois outils pour faire face à la crise du Covid-19

4) Quand dans la tempête, l'entreprise perd son âme

De plus en plus, on me rapporte des anecdotes d'abus de chômage partiel ou d'absence pour garde d'enfants. Des salariés qui travaillent alors que leur entreprise est indemnisée par l'Etat. 

Parfois les salariés sont révoltés, mais dans d'autres cas, ils trouvent ça normal car leur entreprise va mal : la fin justifie les moyens. Et puis, d'un coup, la presse s'en empare autour d'un seul aspect : les contrôles et les redressements.

Pourtant, le problème ne se limite pas à "pas vu, pas pris", tricher alors que certains luttent contre la maladie pourra avoir des conséquences profondes pour les entreprises qui chercheront ensuite vainement à susciter "l'engagement collaborateur".

Article du 13 avril : Comment sauver l'entreprise si on décourage les collaborateurs ?

5) En finir avec l'innovation washing

A chaud, j'avais identifié les outils pour innover face à l'incertitude, mais alors que nous approchons de la fin avril, je suis de plus en plus sensible aux impacts de la crise économique qui s'annonce. Même si la trésorerie se maintient sous la pluie de milliards du gouvernement, les entreprises vont limiter énormément les dépenses. 

Avec un paradoxe apparent : c'est lorsqu'on a besoin le plus d'innovation qu'on va couper les budgets de la division Innovation. 

Finalement, c'est assez logique parce que l'innovation s'est progressivement éloignée de sa mission de départ pour faire de plus en plus d'actions de communication. L'occasion de revenir aux fondamentaux : servir les business.

Article du 26 avril : Réinventer l'innovation pour sortir de la crise

6) L'expérience inédite d'un monde qui nous résiste

On l'attendait depuis 55 jours et finalement, le 11 mai, on apprend ... que le déconfinement sera très progressif et qu'on va devoir vivre différemment pendant encore longtemps. 

Pour moi, c'est l'occasion de réfléchir avec Hartmut Rosa, un sociologue et philosophe allemand sur ce que cet épisode peut nous apprendre de notre relation au monde. 

Car, paradoxalement, c'est quand le monde nous résiste qu'on peut retrouver une relation vibrante à l'opposé d'une logique utilitariste. 

En entreprise aussi, on peut aller beaucoup plus loin avec du lâchez-prise. 

Article du 17 mai : L'expérience inédite d'un monde qui nous résiste

C'est la fin du confinement, mais les interrogations sur le futur demeurent. Je suis en particulier préoccupé par le retour en force du contrôle et des procédures (Monde d'après : sauvons le travail !). 

J'espère que tu as bien profité de la période estivale et que tu es d'attaque pour cette rentrée particulière. De mon côté, je pense te parler prochainement de télétravail et aussi du sens au travail, ou encore de la culture d'entreprise. Pour recevoir mes prochains billets directement dans ta boite mail, c'est facile, tu cliques ici. Tu peux aussi me contacter pour échanger : 

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