Réinventer l'innovation pour sortir de la crise

Loin de l'innovation washing et des paillettes, la sortie de crise appelle une innovation modeste, pragmatique et efficace
Vivatech n'aura pas lieu en 2020. L'évènement phare de la tech et des startups n'est pas compatible avec la priorité de tous les acteurs : gérer la crise. Pourtant jamais l'innovation n'a été plus présente comme instrument de survie pour les entreprises. Pour lever cette apparente contradiction, il faut profondément faire évoluer l'innovation telle qu'elle était pratiquée dans les entreprises.

Dans ma tribune Guide de survie pour innovateurs en entreprises hiérarchiques, je posais déjà les bases d'une nouvelle innovation : 
  • Sans budget dédié ou presque
  • Favorisant le laissez faire
  • Communiquant le plus tard possible
Alors que toutes les entreprises s'organisent pour la sortie du confinement, je te propose de réfléchir à la place de l'innovation.

Au coeur de la crise : incertitude et improvisation

Le changement a été massif et brutal. Tout s'est passé en même temps : déclenchement de la cellule de crise, mise en sécurité du personnel, maintien des activités critiques, modifications parfois radicales des logiques d'approvisionnement et des canaux de ventes sans oublier la mise en place massive du télétravail forcé et/ou du chômage partiel. 

La successions des prévisions du déficit public nous rappelle la vitesse à laquelle la situation continue d'évoluer. Le budget 2020 voté fin 2019 prévoyait un déficit à 2,2% du PIB après 3% en 2019. Le 23 mars, le parlement vote un premier projet de loi de finance rectificative (PLFR) avec un déficit à 3,9% du PIB. Le 23 avril, soit seulement un mois après, le nouveau PLRF prévoit 9,1% de déficit. En réalité, c'est presque un exercice de style alors qu'on sait déjà que ce budget devra être revoté. Mais, tu ne peux pas blâmer le gouvernement car personne ne peut réellement prévoir la suite. D'ailleurs, de plus en plus d'entreprises comme Danone se refuse à toute prévision pour 2020. Un comble pour une société côtée.

Dans le même temps, jamais la période n'aura autant propice à sortir des sentiers battus. Je t'ai parlé des usines LVMH produisant du gel hydroalcoolique ou encore d'Air Liquide s'associant à PSA, Schneider Electric et Valeo pour produire des respirateurs. Les initiatives ont foisonné à tel point qu'on peut comparer cet effort à la mise en place d'une économie de guerre (Du confinement à l'économie de guerre: penser le changement). 

La combinaison de l'innovation et et l'incertitude nous incite à (re)découvrir l'effectuation (Et si vous profitiez de la rentrée pour innover grâce à l’effectuation ?). A l'heure où la moitié de la planète est confinée, c'est également le moment pour Navi Radjou de rappeler que l'innovation Jugaad peut sauver des vies comme le démontre le détournement du masque de plongée Décathlon. La déviance positive doit être également mise à l'honneur quand elle sert à combattre la pandémie (Innovation : trois outils pour faire face à la crise du Covid-19).

L'innovation telle qu'on la pratiquait n'est plus adaptée

Cependant, la priorité pour les dirigeants, c'est bien la survie de leur entreprise. Le chômage partiel couvre maintenant la moitié des salariés et les déclarations continuent de progresser semaine après semaine. Dans certains domaines comme l'automobile, les chaînes de productions redémarrent mais souvent de manière partielle et pour tester les nouvelles procédures de sécurité. 

Pour protéger la trésorerie, les directeurs financiers ont gelé tous les investissements sauf ceux dont le   bénéfice est évident dans le contexte actuel. Si PSA, par exemple, a accéléré le lancement de sa solution de vente de voiture en ligne, combien de projets ont été stoppés ou différés ? 

Du coup, dépenser un million d'euros pour être visible à Vivatech, ça parait tout à fait déplacé. Et même si en 2016, les directions innovation des grands groupes n'étaient pas forcément favorables à ce type d'investissement, l'innovation washing ou encore le théâtre de l'innovation s'est propagé un peu partout. 

Cette dérive concerne autant les intermédiaires de l'innovation (Faut-il fermer son accélérateur de startup ?) que les directions innovation des grands groupes (L'inexorable déclin de la relation startup / grand groupe). Aucun dispositif n'est épargné, ni l'intrapreneuriat (L'intrapreneuriat survivra-t-il à l'effet de mode ?) ni surtout les learning expeditions (Une learning expedition peut-elle transformer mon organisation ?). 

Au final, l'innovation, qui était devenu une industrie essentiellement évènementielle, doit profondément se réinventer. 

Pour une nouvelle innovation pragmatique et utile

Heureusement, dans l'innovation, nous avons l'habitude de gérer les situations contradictoires. Nous savons même les décrire avec des concepts parfois subtils. Car l'innovation a toujours dû lutter contre la force du quotidien, contre l'exigence du "business as usual". C'est James March, un économiste et sociologue américain qui a introduit dès 1991 la notion d'ambidextrie, c'est-à-dire précisément la capacité d'une organisation à travailler tout à la fois sur l'exploitation d'un business model établi et sur l'exploration de nouveaux territoires pour développer l'entreprise. 

Classiquement, l'ambidextrie est structurelle, c'est-à-dire que l'on sépare les deux activités dans deux organisations distinctes. Pour les startups qui recherchent un business model, l'ambidextrie peut être historique (successivement exploration puis exploitation). Mais l'approche la plus intéressante que j'ai décrite dans Agile comme une startup et efficace comme un grand groupe !, c'est l'ambidextrie contextuelle, c'est-à-dire la possibilité pour une même personne de participer tour à tour aux processus d'exploitation et d'exploration. 

Dans les prochains mois, les dépenses vont être très contraintes alors même que les comportements des consommateurs et des clients seront très difficile à prédire. L'innovation doit impérativement se concentrer sur l'aide opérationnelle qu'elle peut apporter aux différentes activités. On pourra, par exemple, accélérer la transformation de l’entreprise grâce aux start-ups sachant que toutes les initiatives seront évaluées sur la grille de leur contribution à la lutte contre le Covid19 et ses conséquences. 
Aujourd'hui plus que jamais, la fonction innovation doit donc : 
  • Montrer concrètement sa contribution aux exigences du business 
  • Etre pragmatique et efficace 
  • Se faire connaitre grâce à sa capacité transformatrice plutôt qu'en utilisant les vieilles ficelles usées de la communication
Si tu souhaites construire avec moi le futur de l'innovation, je t'invite à partager tes initiatives en commentaire ou à me contacter: 
EDIT 30/7/2020 : voici un lien pour consulter mon livre blanc sur la déviance positive.

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